Les lourdes portes de la Salle du Trône se refermèrent dès que Malek en eût franchi le seuil. Il se délesta alors de sa tunique de Roi et posa sa couronne sur le trône à toute vitesse, avant de contourner celui-ci pour rejoindre son Éon.
L'Éon du Démon Bäal se mît alors à noircir de plus en plus, devenant soudainement une brume métallique noire qui fonça sur le corps de Malek pour le recouvrir en entier. Les pattes d'araignée se replièrent alors sur elles-mêmes pour s'agglutiner sur le poitrail du roi Noir, tandis que la membrane noire qui se trouvait entre celles-ci forma le reste du plastron.
Le visage cadavérique de Bäal se scinda en deux, le haut se calant sur l'épaule droite du Démon tandis que le bas, où figuraient les crocs, recouvrit la bouche de son porteur.
Les ongles pointus de l'Éon épousèrent parfaitement ceux du Roi Noir et le reste de l'armure se colla aux parties encore non-protégées du Démon. Seule sa tête était encore à découvert, mais Malek y remédia en prenant sa couronne, qui noircit à vue d'œil et s'écailla tout en s'élargissant, ses extrémités devenant des sortes d'artères humaines desséchées.
Malek savait qu'il devait faire vite, car les Spectres étaient sans doute déjà entrés dans le Palais, hormis la Panthère qui devait tomber sous les coups du Rukh, et l'usurpateur qu'Oroa allait annihiler.
Il ne manquait plus que Gladius du Buffle, la Spectresse à la couronne florale, un autre Spectre, et surtout Nergal du Rat, l'assassin de son frère.
Le Démon du Désespoir s'assied sur son trône, laissant ses Soldats renforcer l'unique accès à cette salle et l'enfermant ainsi en attendant les Spectres. Il savait que cela ne servirait pas à empêcher les Spectres de l'approcher, mais lui ferait au moins gagner du temps.
Les pattes d'araignée de son plastron s'ouvrirent alors soudainement, laissant voir sa poitrine nue sur laquelle était tatoué, en lettres de saphir obscur, une incantation au pouvoir immense, et la plus grande récompense que Malek ait eu de la main de son Dieu-Empereur.
Il toucha ce sortilège et laissa le sceau se briser, une puissante bourrasque noire s'échappa de son cœur, sous le cri inhumain du Démon de Bäal qui chuta de son trône. L'ombre et la fumée s'unifièrent alors en un seul être, une créature humanoïde aux formes incomplètes, sans aucun visage ni chair.
Un Soldat des Ténèbres s'écroula sur le sol, le corps criblé de coups de poings qui avaient à la fois brisé armure et os. Un autre de ses collègues fût expulsé contre un pilier et brisé en deux par le choc. Enfin, les dix-huit autres soldats furent balayés en un instant par deux puissantes vagues cosmiques.
C'est ainsi que les Spectres d'Hadès franchirent rapidement les pseudos-défenses du premier étage du Palais Royal, et atteignirent sans encombre l'escalier principal, où quelques poignées de Perses vinrent encore s'opposer aux guerriers du Sombre Monarque, tandis que les serviteurs, esclaves et autres personnels du Palais s'enfuirent les uns après les autres, non sans lâcher quelques cris de peur au passage de leurs sauveurs.
Les marches qui menaient au deuxième étage du Palais n'en étaient pas moins garnies de défenseurs Perses qui tentaient encore de bloquer le passage des Spectres tandis qu'une demi-douzaine d'archers se déployait le long de ceux-ci afin de mettre hors d'état de nuire les intrus.
Il faut dire que l'escalier principal, assez large avec des marches fines et nombreuses, avait la particularité de ressembler à une sorte de tourbillon au mouvement assez lâche, de sorte que les archers Perses pouvaient viser aisément leurs cibles, tandis que les Spectres pouvaient difficilement voir leurs assaillants.
Gladius concentra alors son cosmos de feu et créa une Orbe Infernale avant de foncer sur son adversaire. Waltraute, quant à elle, intensifia son cosmos qui se diffusa dans son surplis, les pétales de celui-ci se détachant peu à peu du corps de la Spectresse en s'envolant dans les airs.
Les Perses bloquant le passage hurlèrent de douleur lorsque l'explosion de flammes qui les assaillit leur brûla l'épiderme et les expulsa hors du chemin du Buffle, tandis que les archers présent autour d'eux reçurent les centaines de pétales de la Daphné qui s'accrochèrent à eux et s'étendirent sur leur corp tel un virus, les recouvrant bientôt entièrement en se nourrissant de leur énergie vitale comme des sangsues.
Les pétales libérés devinrent alors de véritables fleurs violettes dont les pétales violacés se perdaient dans les yeux agonisant des archers. Gladius cacha sa stupéfaction du mieux qu'il pût tandis que la Chimère et le Rat, levant leur pouce vers le ciel, félicitèrent les deux Spectres, qui reprirent aussitôt leur chemin.
Ils arrivèrent ainsi, en évitant soigneusement le trou béant laissé par Gladius, devant une grande porte noire, sans aucune défense. Néanmoins, les Spectres ressentaient tous un inquiétant cosmos qui se propageait à travers la pièce annexe, un cosmos aussi étrange qu'obscur, qui ne correspondait pas en tout cas avec celui du Roi Noir.
Il ouvrît alors la porte noire et entra en premier dans la pièce, suivi de près par ses camarades, tous prêts à faire face aux dangers du Palais du Roi Noir...
Telles étaient les paroles du Rukh, qui, ayant finalement réussi à emporter sa proie dans les cieux, lui avait asséné un formidable coup de poing dans l'estomac, et en avait profité pour intensifier son cosmos.
Ikhna plongeait ainsi à une vitesse incroyable vers le sol de la place qui se rapprochait dangereusement. Eraste ne vît qu'un météore noir plonger et se fracasser contre la place, laissant une trainée cinglante de cosmos qui balaya aussi bien des insurgés troyens que des soldats perses.
Néanmoins, à la plus grande surprise d'Eraste, seul Ikhna se trouvait couché au centre du cratère qu'il venait de créer, son Éon brisé de parts en parts, tandis que la Panthère semblait avoir disparu.
C'est alors qu'un Perse en profita pour ceinturer Eraste par le bras, dégainant un poignard pour l'égorger, mais le guerrier spectral avait de sacrés réflexes dus à un entraînement intensif. Ainsi, il attrapa le poignard avec sa bouche, se coupant la lèvre et une légère partie de la joue droite, avant d'asséner un coup de boule à son adversaire qui le libéra.
Eraste lança alors le poignard du Perse qui se planta dans la tête du malheureux. Deux autres Perses foncèrent ensuite sur le Lieutenant des Enfers, qui virevolta avec ses lames et découpa les orientaux.
Le Rukh se releva au moment même où Eraste égorgeait l'un des soldats, et où Lokus lui tomba dessus depuis le ciel, les griffes prêtes à rompre le cou de l'Immortel. Mais celui-ci sentît le cosmos de la Panthère juste à temps pour parer l'attaque du Spectre et le repousser de son bras unique.
Les deux adversaires se regardèrent alors face à face, constatant les dégâts de leur premier combat. Lokus avait la poitrine en sang, ses plaies se rouvrant peu à peu, tandis que le Rukh, dont l'armure tombait en morceaux et dont le corps était bardé de coups de griffes, avait à déplorer son bras gauche que l'Étoile de la Force lui avait subtilisé.
Néanmoins, l'intensité de leurs cosmos et l'ardeur de leur combattivité démontraient une chose : leurs cosmos n'avaient jamais été aussi puissants.
D'ailleurs, une puissante aura magenta, débordante d'énergie et libérant un vent mauve tourbillonnant autour de Lokus, fît son apparition. Les yeux de Lokus devinrent entièrement violets, ses pupilles se rétractant, devenant semblables à celle d'un félin.
Ikhna, lui, avait déjà des yeux noirs comme la nuit lorsqu'une puissante brume noire s'échappa de son corps et libéra une puissante énergie obscure. Les symboles persans sur ses ailes se mirent à briller d'une lumière bleutée.
Une sorte de gigantesque vautour se dessina dans l'ombre de l'Immortel, de même que le Spectre sembla développer dans sa silhouette les contours d'un puissant félin aux crocs acérés.
Les deux forces en présence atteignirent un tel niveau de puissance que le sol en face d'eux se craquela peu à peu, preuve on ne peut plus véridique de la tension extrême entre les deux hommes, et de l'âpreté du combat qui allait suivre.
Eraste, le Perse qu'il allait écorcher mais aussi tous les insurgés, tous cessèrent de combattre dès lors que le Rukh et la Panthère furent libérés.
Dès lors, un cercle se forma autour des combattants, tandis que ceux-ci ne cessaient de s'observer et de se jauger, le souffle court et haletant.
Les insurgés Troyens reculèrent alors d'une dizaine de mètres, sans un mot, époustouflés par les deux puissances écrasantes qui allaient s'entrechoquer. Les Perses, quant à eux, ne bougèrent pas d'un pouce, mais beaucoup d'entre eux avaient les yeux livides et le teint pâle, et n'attendaient sans doute que l'ordre de leur supérieur pour décamper.
Les Soldats Perses ne se firent pas prier et laissèrent le champ libre aux deux guerriers. Leurs cosmos grimpèrent alors de plus en plus, au point d'atteindre un niveau d'énergie bien supérieur à ce qu'Eraste avait pu ressentir chez son cadet.
Le sol se brisa alors sous la tension des deux puissances, et l'aura des deux combattants s'accentua encore et toujours, parcourue désormais par de brefs éclairs noirs et mauves là où leurs deux forces se percutaient.
Eraste regarda son frère, brisé par son précèdent combat et grièvement blessé, et qui pourtant libérait une telle force, une telle ardeur et une telle combattivité dans celle-ci, que celui-ci comprît que la Panthère souhaitait en finir une fois pour toutes, quitte à en mourir.
L'Immortel du Malheur écarta alors ses ailes qui se mirent à luire d'un puissant éclat bleu foncé. Les plumes de celui-ci se détachèrent bientôt une par une, se rassemblant par centaines puis par milliers autour d'Ikhna.
Bientôt, ses ailes ne ressemblèrent guère plus qu'à des membranes squelettiques, mais tout autour d'Ikhna s'était créée une véritable buée de plumes de métal noir, tranchantes et parcourues d'un cosmos extrêmement puissant.
Le Rukh se mît ensuite à léviter dans les airs, se dressant au-dessus de la Panthère par sa simple volonté et son cosmos, qui remplaça les milliers de plumes qui tourbillonnaient autour de l'Immortel.
C'est alors que l'esprit de la panthère se manifesta, masquant le corps du Spectre à travers sa propre enveloppe cosmique. Une gigantesque panthère, d'au moins quatre mètres de haut et trois mètres de longueur, venait de remplacer Lokus sur le champ de bataille. La créature brillait intensément et son pelage mauve libérait une douce chaleur qui ébahit encore plus le Lieutenant des Enfers.
Les éclairs autour d'elle étaient violents, et le vent se leva soudainement, annonçant le cataclysme qui allait avoir lieu. Deux voix inhumaines fracassèrent alors l'atmosphère et firent entendre leur jugement.
Une puissante bourrasque de vent broya le sol, libérant dans le ciel des milliers de fragments de pierres, de poussières et de pavés. Le ciel s'illumina, aveuglant les spectateurs présents qui furent projetés en arrière.
Au centre de l'ancienne place troyenne, un trou béant s'était formé, tandis que les alentours étaient couverts de sang. La Panthère et le Rukh se tenaient encore debout, mais l'issue du combat était fixée.
Les puissances déchainées par les deux adversaires avaient rivalisé en rapidité. La Panthère s'était jeté sur sa proie en une centaine de fauves cosmiques, crocs et griffes déployés, entourés d'éclairs mauves.
Le Rukh, lui, avait lancé sur le Spectre ses plumes noires et tranchantes, qui, entourées d'une aura bleu foncé, ressemblait plus à une pluie de mort.
Les félins et les plumes s'étaient entrechoqués avec une force incroyable, et la brièveté de la confrontation eût des échos conséquents sur l'ensemble du champ de bataille et sur les deux guerriers.
D'ailleurs, peu après le choc des titans, les deux guerriers, restés jusqu'à lors immobiles, furent tous deux expulsés en arrière. Lokus recula d'une vingtaine de mètres et ne fût arrêté que par l'action de son frère et d'une dizaine d'insurgés, tandis que le Rukh fût projeté beaucoup plus violemment et se fracassa contre un pilier du Palais, juste en face de sa camarade Oroa de Péri.
Le Lieutenant des Enfers regarda alors l'endroit où le Rukh s'était échoué. Ikhna, le corps intact, s'était relevé et, regardait Oroa de Péri en lui parlant. Mais peu à peu, son corps se couvrît de griffes et de blessures.
Le Rukh devint finalement complètement mauve, et l'esprit de la Panthère apparût une dernière fois, jaillissant de la poitrine de l'Immortel pour s'envoler vers le ciel. Ikhna de Rukh regarda alors son adversaire une dernière fois dans les yeux, et, levant le pouce, il disparût, son corps devenant soudainement poussière et son armure tombant en lambeaux.
Mais Lokus ne répondit pas. Il ne répondait plus à son jumeau. Le Lieutenant des Enfers regarda le Spectre de la Panthère, les yeux remplis de larmes, regardant son frère avec une intense expression de fierté et de joie.
Eraste remarqua alors qu'une pluie de plumes noires enveloppait peu à peu Lokus qui se retrouvait comme enfermé dans un cercueil de plumes. L'une d'elles s'était déjà enfoncée dans le cœur de l'Étoile Terrestre de la Force.
Le surplis de la Panthère se détacha alors du corps de son possesseur, se reformant sous sa forme animale non loin de lui. Des larmes de sang coulaient de ses yeux tandis que des larmes de haine coulaient sur le visage d'Eraste...
Eckhär était resté sur ses gardes devant la mélancolique Oroa de Péri, qui n'avait pas adressé un seul mot à son adversaire ni débuté les hostilités. Les deux combattants étaient plus dans une phase d'observation, leurs cosmos si différents étant la seule source qu'ils captaient l'un de l'autre.
Le Spectre des Érinyes ne ressentait que de la tristesse dans l'âme de son adversaire, une tristesse infinie, mélancolique, et incroyablement intense. Une tristesse tellement ancrée dans le cœur de la jeune femme qu'Eckhär s'étonnait de voir un être humain supporter un tel fardeau.
La jeune femme restait un mystère pour ce Spectre habitué au monde du silence, un monde qui l'avait parfois conduit à ce genre de sentiment qui vous embrume le cœur et affaiblit votre esprit.
Pourtant, ce sentiment corrosif semblait ici être le principal atout de l'Immortel, et la démonstration de ses pouvoirs avait montré à l'Étoile Céleste de la Traque que si il n'avait pas été sourd, elle aurait sans doute été capable de le tuer lui, les Rebelles Troyens, mais aussi ses compagnons Spectres et même les soldats Perses et son compagnon Amesha.
Le silence lourd et la confrontation silencieuse entre les deux combattants s'étaient soudainement interrompus lorsque, justement, Ikhna de Rukh s'était retrouvé projeté contre un pilier situé entre les deux personnages.
L'Immortel semblait indemne, mais son esprit ne disait pas la même chose, et Eckhär des Érinyes sentît le cosmos de Lokus s'évanouir au moment même où Ikhna fût dévoré par l'Esprit de la Panthère.
Toutefois, le Rukh trouva encore la force de parler à sa camarade, et son cosmos vacillant se changea alors en l'interprète de ses pensées. Eckhär n'était pas très sûr des sentiments de l'Immortel ni de ce qu'il avait voulu dire, mais il était sûr d'une chose, c'est qu'il parlait d'amour, d'honneur, et de vérité.
L'Immortel du Malheur disparût alors, emporté par la plus puissante arcane de Lokus de la Panthère. L'Étoile Terrestre de la Force avait donc remporté le combat, mais la douleur intense qui parcourût le cœur de son frère fît comprendre à Eckhär que le félin était mort avant d'avoir pu savourer sa victoire.
Le Spectre des Érinyes se retourna alors brusquement, cherchant l'origine de ces sons qu'il n'avait jamais entendu aussi clairement. L'Étoile Céleste de la Traque avait en effet compensé sa surdité par une certaine empathie qui lui permettait d'interpréter les sentiments et les intentions des gens via leurs cosmos ou, pour les gens plus ordinaires, avec leurs esprits.
Eckhär avait ainsi réussi à survivre dans ce monde hostile, froid et silencieux, grâce à son intuition, qui devint très vite son sixième sens. Or, cette voix qui venait de pénétrer son esprit était la première voix que le Spectre avait entendu, une voix claire et mélodieuse, douce, mais infiniment lasse.
L'Étoile Céleste de la Traque comprît alors que cette voix ne pouvait appartenir qu'à une seule personne : son adversaire.
Oroa de Péri resta un instant silencieuse, son regard infiniment triste scrutant avec insistance l'Étoile Céleste de la Traque. Comment une telle femme pouvait-elle servir le Dieu des Ténèbres ?
Les deux derniers mots de l'Immortel surprirent Eckhär au plus haut point, si bien que pendant un instant il ne crût pas l'Immortel de la Tristesse. Comment un homme serviteur d'Ahriman pouvait éprouver un quelconque sentiment d'amour ? Même Oroa semblait perplexe devant de telles déclarations, ce qui ne l'empêcha pas de poursuivre son récit.
Une goutte de sang perla alors sur la joue du Spectre des Érinyes, ruisselant jusqu'à son menton avant de tomber sur le sol. Eckhär étouffa alors un gémissement, sa tête commençant à le marteler et une migraine inouïe s'emparant peu à peu de son esprit.
Eckhär s'agenouilla sur le sol, les mains contre son crâne. Oroa intensifia son cosmos, ses paroles transperçant l'esprit du Spectre comme une épée.
Un cri perçant se fît soudain entendre, tandis que le poing du Spectre libéra un flash blanc aveuglant. Un esprit ressemblant à une femme jaillit alors du poing d'Eckhär et fonça sur l'Amesha, frappant la Péri avec une série de coups de poings. Oroa se retrouva soudainement expulsée hors du sol et son armure se craquela peu à peu. Mais l'Immortel de la Tristesse concentra son cosmos et se mît à entonner une étrange sérénade. Une bulle cosmique se forma ensuite autour de l'Immortel qui se posa sereinement sur le sol.
Elle pût alors voir la créature qui l'avait attaqué. Il s'agissait d'un esprit fantomatique d'une femme translucide, d'un blanc immaculé. Sa beauté inhumaine contrastait cependant avec les crocs qui sortaient de sa bouche ainsi que le cri effrayant de cette créature qui tournoyait autour du bouclier formé par la Péri, frappant sans cesse cette protection pour la briser.
Mégère devint alors de plus en plus blanche, tandis que ses poings devinrent de gigantesques faux. Ses coups, quant à eux, devinrent sans cesse plus rapides, précis et puissants.
Le champ de force d'Oroa ne faiblissait pas pour autant, malgré le fait que la Péri dût tendre ses bras vers le champ de force et qu'on pouvait voir sur son visage l'effort mental qu'elle devait faire pour maintenir sa protection.
Son cosmos s'intensifia alors tout autant, l'enveloppant dans une brume bleutée qui recouvrît son champ de force, renforçant sa protection.
La Péri se mît ensuite à chanter et sa voix mélodieuse s'insinua dans l'esprit d'Eckhär qui se tordît de douleur.
L'Étoile Céleste de la Traque se mît alors à pleurer, pleurer du sang qui se répandit sur le sol du palais.
Le cosmos d'Eckhär s'illumina de plus belle, libérant un cosmos surpuissant. Une aura argentée entoura peu à peu son corps tandis que l'esprit de Mégère hurla de plus belle, ses bras-faux se concentrant sur un point précis de la protection de la Péri. Les coups délivrés étaient si puissants que la ville de Troie entendît résonner ses échos jusqu'au portes de la ville. Le Palais en trembla même un instant, mais Oroa résistait, son cosmos s'intensifiant à son tour.
Son champ de force commençait tout de même à montrer des signes de faiblesse, de fines fissures se formant çà et là. Oroa grinça des dents et les veines de ses bras apparurent sur sa peau. L'Immortel de la Tristesse semblait de plus en plus marquée par l'effort, mais sa voix mélancolique résonna une nouvelle fois dans l'esprit d'Eckhär.
Eckhär émit alors un hurlement de douleur qui attira l'attention de la foule troyenne. Les insurgés comme les soldats Perses eurent soudainement un mouvement de recul, et leurs têtes commença à leur faire mal, certains saignants du nez ou des oreilles. Ils ne savaient pas qu'il subissait peu à peu une torture qu'endurait mille fois le Spectre des Érinyes.
Eckhär ferma les yeux mais le sang continuait de couler de ses paupières, tandis qu'il crachait une épaisse gerbe de sang. Son cœur battait la chamade et son esprit engourdi par le chant de la Péri s'effritait peu à peu. Mais le cosmos de l'Étoile Céleste de la Traque demeurait bel et bien présent, et plus intense que jamais.
Le champ de force de la Péri se rompît soudainement, balayant Mégère en se désagrégeant. Une onde cosmique parcourût alors toute la ville de Troie, semblable à un murmure mélancolique. Eckhär convulsa, son esprit déstabilisé par le dernier couplet de la Péri. Sur la place, Eraste, les yeux embués de larmes, perdît soudainement conscience, ses yeux révulsant, son corps tombant à côté de celui de son frère.
Certains Troyens connurent le même sort, mais tous les autres virent leurs camarades se tenir la tête de douleur avant que leur boîte crânienne n'explose. D'autres, comme ce fût le cas dans le camp Perse, eurent une violente remontée de sang et s'écroulèrent sur le sol, morts.
Au final, ce fût des centaines de personnes qui perdirent la vie en ayant entendu la douce voix d'Oroa. La jeune femme contempla son œuvre en poussant un soupir de soulagement. Son adversaire gisait au sol, le corps inerte, recouvert de sang. L'Érinye qu'il avait libéré avait disparu, probablement à l'instant où la vie avait quitté son corps.
"Il était vraiment coriace", pensa la Péri, "je n'avais jamais connu un homme avec une telle puissance et une telle volonté. Si je n'avais pas déployé mon champ de force, l'Érinye qu'il contrôlait m'aurait réduit en miettes."
Oroa s'approcha alors d'Eckhär et regarda son visage clos, pour toujours. Néanmoins, la jeune remarqua que le sternum du Spectre continuait de se mouvoir. L'Amesha posa alors sa main sur le corps du Spectre et sentit un mouvement lent, presque imperceptible, et pourtant encore actif : des battements cardiaques.
L'Immortel de la Tristesse recula précipitamment, pleine d'effroi. Le Spectre des Érinye n'était pas mort !
Une plume noire se posa alors délicatement sur l'épaule d'Oroa qui sursauta. L'Immortel ressentît alors un cosmos familier et étrange à la fois, un cosmos rempli de fureur et de fierté, brûlant comme jamais d'un nouvel éclat.
Mais Oroa ne vit personne. La plume de métal noir sur son épaule s'envola et la jeune femme resta hagard, les yeux levés vers le ciel et le cœur en proie à des doutes qui ne l'avaient jamais effleuré auparavant.
Assis sur son trône, le Roi Noir fulminait contre son disciple mort au combat. Un élève prometteur pensait-il... et pourtant il avait succombé sous les coups de la Panthère. Au moins, son adversaire ne s'en était pas relevé non plus et le cosmos de l'usurpateur s'était soudainement tu.
Néanmoins, le Roi Noir restait inquiet quant à la petite bande d'intrus qui était parvenue à entrer dans son palais. Doppelganger était une entité effroyable certes, mais à manipuler avec précaution, et l'Immortel du Désespoir savait que cette "chose" créé de toutes pièces par son Dieu avait été enfermée pour de bonnes raisons.
La bulle de stase du Juge Nikiolas, quant à elle, s'affaiblissait à vue d'œil, et il n'y avait aucun doute que l'homme enfermé à l'intérieur serait très difficile à vaincre. La situation était certes sous contrôle, mais les Ameshas n'étaient pas à l'abri d'une déconvenue.
Le Roi Malek entendît alors une voix familière résonner dans sa tête, celle d'Oroa de Péri.
Le Roi Noir resta un instant troublé par le soudain attachement qu'avait Oroa pour le défunt Rukh, et cela ne lui plaisait pas beaucoup. Malek de Bäal avait lui-même entrainé ses sbires en leur apprenant à mettre de côté tous leurs sentiments. Oroa avait-elle finalement dérogé à cette règle ?
La Péri se dirigea une fois de plus vers son adversaire agonisant. Il était en train de se vider de son sang par les yeux, le nez et les oreilles, mais même si sa survie semblait impossible, la Péri voulût en avoir le cœur net.
L'Immortel de la Tristesse se mît alors à genoux devant son adversaire, joignant les mains et regardant le ciel de ses yeux infiniment las. Son cosmos d'ébène se manifesta de nouveau, la brume se concentrant autour du corps de la jeune femme tandis que son unique aile se déploya vers le ciel. Des larmes noires se mirent alors à couler des yeux de la Péri au fur et à mesure que le sol qui s'en trouvait imprégné se noircit.
La brume noire qui entourait l'Amesha se solidifia soudainement, devenant de l'ombre pure qui s'étendît autour de l'Immortel et de son adversaire, les immergeant dans le noir le plus complet. Seul Oroa et Eckhär se trouvaient alors immergés dans les Ténèbres : Oroa sous sa forme physique, Eckhär, lui, debout et surpris, sous une forme plus ou moins fantomatique, son corps de Spectre étant transparent tandis que sa peau avait pris une teinte diaphane.
L'ombre qui entourait les deux combattants se dissipa soudainement, laissant place à une immense cité en ruines. Partout, les gens étaient couverts de haillons, le corps squelettique, le regard dénué de tout espoir et de toute vie. Ils erraient tous dans les rues insalubres de cette étrange cité, tels des sans-âmes qui auraient perdu toute volonté de vivre.
Ça et là, certains d'entre eux tentaient d'attraper les quelques rats errants afin de se nourrir, tandis que des mères épleurées tendaient la main aux autres, implorant leur aide pour nourrir leur progéniture. C'était un univers de ruine, où les nuages grisâtres qui embrumaient le ciel reflétaient la détresse de ces milliers de gens.
Les gens en haillons disparurent soudainement, leurs cris de désespoir résonnant dans les ténèbres tandis que des flammes vinrent détruire ces miséreux. Eckhär vît alors une ombre noire voler au-dessus de lui et rafler ce monde qui s'écroula sur lui-même.
A la place se dressa devant le Spectre des Érinyes un immense champ de bataille, rempli d'hommes qui se marchaient tous dessus, luttaient les uns contre les autres dans un bain de sang qui ne semblait jamais finir.
Ceux qui avaient des armes tombaient sous les coups des autres et un massacre sans fin s'orchestrait sur une vaste plaine dont les cadavres couvraient l'ensemble de sa superficie. Des organes, des têtes, des bras et des jambes.... et le sang, le sang à perte de vue.
Les millions de guerriers s'évaporèrent alors, emportés par une immense tornade noire pourvue d'une aile d'ombre gigantesque. L'âme du Spectre des Érinyes commença à pleurer devant les horreurs qu'elle venait de voir, mais son cauchemar n'était pas fini.
Une immense montagne se dressa devant Eckhär qui en eût un haut-le-cœur. Entre cadavres putréfiés recouverts de cloques, de pues ou de bubons, se trouvaient des gens agonisant, crachant leurs poumons à chaque respiration, leurs mains tendues vers l'âme du Spectre, les yeux pleins de tristesse et de souffrance, ne réclamant qu'une chose : qu'on les achève.
Eckhär resta interdit devant la montagne humaine en déperdition, ne détachant son regard de celle-ci que lorsqu'une immense bouche pourvu de crocs dévora la montagne dans les cris d'effroi et d'horreur des milliers d'âmes qui la constituaient.
L'âme du Spectre se trouva dès lors entouré de bourreaux, des milliers. Tous étaient masqués, mais tous avaient comme victime de pauvres gens désespérés, chacun accroché sur un pilori, pendu par une corde ou prêt à subir les pires exactions de ceux-ci. Les pauvres bougres pleuraient et demandaient pitié, mais leurs bourreaux n'entendaient rien et continuaient leurs exactions, riant de leurs méfaits sous le regard impuissant et horrifié du Spectre.
Les hommes et leurs bourreaux s'évanouirent alors dans la nature, et Eckhär se retrouva de nouveau entouré de ténèbres et d'ombres. Oroa était toujours en position de prière, mais une ombre bleutée se forma peu à peu derrière elle. Un être d'une beauté incomparable apparût alors derrière elle, vêtu d'une longue tunique de soie noire, aussi noire que ses cheveux d'ébène.
Une aile noire recouverte de plumes étincelantes était disposée sur son épaule droite, tandis que l'ange se dirigeait vers Eckhär, les mains tendues. Lorsqu'il ouvrît la bouche pour parler au Spectre, celui-ci entendît les milliers de cris d'agonie, de désespoir et de souffrance des gens qu'il avait vu dans les quatre illusions de l'Amesha de la Tristesse.
Lorsque la Péri lui prît la main, Eckhär se sentît infiniment las, son cœur étant empli d'une infinie tristesse tandis que ses yeux embués de larmes regardaient les pupilles mélancoliques de l'Ange.
L'Ange de la Tristesse guidait Eckhär dans les méandres du monde de la Tristesse. Le Spectre se laissait guider sans dire un mot, les yeux remplis de larmes. Mais au moment de passer à côté d'Oroa, il s'arrêta. La jeune femme regarda son adversaire dans les yeux, et pour la première fois de sa vie, son visage mélancolique devint peur.
Le Spectre des Érinyes broya la main de la Péri qui hurla de douleur, dévoilant d'immenses crocs noires et un visage déformé par la laideur, ressemblant à celui d'un démon plus qu'à celui d'un Ange.
La créature s'envola et disparût dans les Ténèbres, alors qu'Oroa se trouva face à un homme dont les yeux s'étaient fait cosmos, ses dents devenant celles d'une bête assoiffée de sang tandis que le cosmos d'Eckhär éclata au grand jour, inondant les Ténèbres d'une lumière violacée.
La tête d'Eckhär se mît alors à briller tandis que son casque se forma peu à peu sur sa tête. Les yeux de celui-ci brillèrent alors d'une intense lumière blanche tandis qu'un puissant rayon fût projeté par celui-ci à une vitesse largement supérieure à ce que pouvait voir l'Amesha.
Elle ne se rendît compte de l'attaque que lorsque celle-ci atteignit sa cible : la Péri. Oroa de Péri se retourna et vît alors éberluée l'Ange de la Tristesse frappé par un puissant rayon qui le transperça de parts en parts sans que celui-ci ne puisse réagir.
La créature hurla avant de disparaître, le rayon blanc finissant sa course dans l'infini des Ténèbres tandis que l'armure d'Oroa se réduisit en poussière, privée de l'âme qui l'habitait et n'étant plus capable de vivre.
L'ombre se dissipa instantanément et c'est une Oroa complètement choquée qui se trouvait devant Eckhär des Érinyes, sur le parvis du Palais, les colonnes de celui-ci complètement rasées ainsi que la porte d'entrée qui avait explosé sous le choc.
Par ailleurs, Eckhär avait à ses côtés une femme guerrière aux allures d'Amazones, cheveux violets au vent, maniant un immense hachoir et constitué d'une énergie cosmique d'un blanc absolu. Son regard plein de furie se posa un instant sur l'Immortel qui recula de frayeur, mais celle-ci disparût, Eckhär ne souhaitant pas achever son adversaire.
Eckhär ne dît mot. Il se contenta d'aller au centre de la place, ignorant son adversaire. Il alla voir les deux jumeaux qui étaient allongés l'un contre l'autre. Lokus ne respirait plus comme il l'avait pressenti, mais Eraste, lui, était simplement inconscient. Le Spectre des Érinyes émit un soupir de soulagement avant de remonter les marches du Palais, se dirigeant vers l'intérieur du Palais. Oroa se dressa pourtant devant lui une énième fois.
Mais le Spectre bloqua le coup d'Oroa comme s'il s'agissait d'une tape de nouveau-né et la repoussa contre le mur.
Oroa regarda le Spectre sans dire un mot, les larmes commençant à couler sur son visage. Eckhär la laissa là sans rien dire de plus, pénétrant dans le Palais à vive allure. Il avait ressenti le cosmos de ses frères d'armes vaciller sous les coups d'un cosmos inquiétant et très puissant, et si il ne se dépêchait pas de rejoindre les autres Spectres, l'un d'eux allait bientôt perdre la vie...